Entre silence industriel et rumeurs de stade : l’usine Stellantis ferme pour 3 semaines.
À Poissy, les chaînes de montage vont s’arrêter. Du 13 au 31 octobre 2025, l’usine Stellantis fermera ses portes pour trois semaines. Officiellement, il ne s’agit que d’une pause, une adaptation à un marché automobile en berne et à des carnets de commandes qui peinent à se remplir. Mais derrière la communication du groupe, c’est une inquiétude profonde qui monte chez les deux mille salariés du site. Car cette suspension temporaire résonne avec une autre actualité brûlante de la ville : le projet de nouveau stade du Paris Saint-Germain, qui pourrait bien s’implanter… sur le terrain même de l’usine.
Trois semaines d’arrêt, et des doutes durables
Le constructeur explique qu’il s’agit d’éviter une surproduction, alors que le modèle Opel Mokka, assemblé à Poissy, se vend moins que prévu. Les salariés seront placés en chômage partiel pour douze jours, les trois autres correspondant à des congés déjà programmés. Une pratique connue dans l’industrie automobile, où les ajustements de cadence sont fréquents. Pourtant, cette fois, le climat est différent. Le Mokka doit rester en production jusqu’en 2028, mais aucun successeur n’a été confirmé. Beaucoup redoutent que cet arrêt prolongé ne soit le signe avant-coureur d’une lente mise en sommeil de l’usine.
Les syndicats sonnent l’alerte : « C’est un mauvais signal », disent-ils, pointant l’absence d’investissements significatifs et le flou autour de l’avenir du site. Pour les salariés, ce n’est pas seulement une baisse d’activité, c’est l’ombre d’un déclassement industriel qui plane sur Poissy, ville marquée depuis des décennies par l’automobile.
Un stade en embuscade
Au même moment, un autre projet occupe les esprits. Le PSG, en quête d’un nouveau stade plus vaste que le Parc des Princes, a désigné Poissy comme l’une des options privilégiées avec Massy. Le site Stellantis, de 170 hectares et idéalement situé, est régulièrement cité comme lieu potentiel d’implantation. La région Île-de-France, favorable au projet, insiste toutefois sur la nécessité de préserver une activité industrielle sur le site. Mais dans les conversations locales, le rapprochement est déjà fait : si l’usine ralentit, si elle ferme à terme, cela libérerait un espace rêvé pour accueillir le stade d’un club qui veut s’imposer comme une marque mondiale.
De son coté, la Maire de Poissy Sandrine Berno Dos Santos se veut bien plus réservée, et pose 2 conditions : le maintien d’une activité industrielle à Poissy avec Stellantis, où travaillent de nombreux Pisciacais, ainsi qu’une adhésion des habitants au projet, que l’on pourrait imaginer comme à Massy par un référendum.
Pour les habitants comme pour les salariés, l’évidence du parallèle frappe : d’un côté, une usine en difficulté, qui symbolise le monde ouvrier et la tradition industrielle de Poissy ; de l’autre, un projet pharaonique, vitrine d’un football business et spectacle avec une société déjà implanté il y a quelques années avec son centre d’entrainement sur les terres de Poncy. Dans les rues, les cafés, les discussions oscillent entre fierté et amertume. Fierté d’imaginer le PSG attirer le monde entier dans les Yvelines ; amertume de penser que cela pourrait se faire au prix de centaines d’emplois industriels.
Deux visions du territoire
Le face-à-face entre Stellantis et le PSG dépasse la simple coïncidence géographique. Il révèle deux visions du développement territorial. L’usine, c’est l’économie productive, le travail quotidien, la stabilité – même fragilisée – d’emplois qualifiés. Le stade, c’est l’économie de l’image, des événements, du prestige international. L’une représente l’héritage industriel, l’autre le pari d’un futur tourné vers les loisirs et la consommation.
Or, les deux se heurtent sur le même sol, même si les 2 projets pourraient être penser pour cohabiter. Poissy est à la croisée des chemins : conserver sa vocation industrielle, ou basculer vers un modèle où l’économie de service et l’événementiel prennent le relais. Ce choix, qui semble technique, est en réalité profondément politique et social.
L’incertitude comme quotidien
Dans les ateliers de Stellantis, on redoute moins les trois semaines d’arrêt que ce qu’elles annoncent. Le chômage partiel sera indemnisé, mais la confiance, elle, est érodée. Chaque rumeur sur le stade nourrit l’idée que le terrain a déjà trouvé son avenir, que les ouvriers travaillent désormais sur une terre comptée. Le timing de cette annonce, alors que la Maire de Poissy doit recevoir les dirigeants du PSG cet après-midi en Mairie de Poissy interroge. Est-ce une stratégie visant à préparer le terrain pour un futur abandon de l’usine ?
Et dans les bureaux des collectivités, l’équation est redoutable. Peut-on refuser un projet de stade qui offrirait une visibilité mondiale et des retombées économiques locales ? Peut-on l’accepter en sacrifiant ce qui reste d’une grande tradition industrielle en Île-de-France ? La Région affirme vouloir concilier les deux, mais chacun sait qu’il est rare qu’un stade et une usine coexistent longtemps sur le même périmètre. De plus, ce projet pose question sur les flux des potentiels 80 000 spectateurs, dans une ville déjà bloquée par les bouchons et où le RER ne donne pas entière satisfaction. L’opportunité n’est-elle pas non plus trop belle pour exiger (enfin) le contournement de Poissy ainsi qu’une nouvelle offre de transport à la hauteur des enjeux ?
Un symbole du basculement français
Au fond, Poissy illustre une tension nationale. La France hésite entre préserver son outil industriel, coûte que coûte, et embrasser une économie de services, de spectacles et de marques mondialisées. La fermeture temporaire de Stellantis et le projet de stade du PSG se télescopent comme deux métaphores : celle d’un monde qui s’épuise, et celle d’un autre qui s’impose, triomphant, mais pas forcément inclusif.
Pour les salariés, ce n’est pas une affaire de symboles : c’est leur vie quotidienne qui est en jeu. Pour le territoire, ce n’est pas seulement une question d’image : c’est le choix d’un modèle, d’un avenir commun.


